Manifeste

La Mine

De la contrainte naissent les gemmes, mon atelier est une mine.

Comment créer en répondant aux questionnements éthiques de notre époque ? Comment intégrer notre patrimoine culturel et technique pour lier un passé d’une beauté parfois inconsciente, un présent houleux et un futur que nous souhaitons désirable ?

          L’humain est un animal culturel qu’il faut à tout prix réintégrer aux écosystèmes

          Nous choisissons les arts décoratifs pour prendre position

          Nous tentons d’insuffler l’émotion pour convaincre

Je provoque volontairement en utilisant le terme « mine » car je veux mettre les sujets sales sur la table. Il faut changer notre manière de produire et de consommer. La sobriété et la durabilité font consensus dans les cercles scientifiques. Produire moins et mieux.

Mais les idées de l’ère industrielle ne sont pas toutes à jeter. Dans le travail du bois nous avons vu apparaitre des machines qui ont grandement amélioré les conditions de travail. Les machines sont aussi néfastes, coupantes, les poussières, le bruit… pensez qu’on pouvait reconnaitre un menuisier en voyant ses mains! Cependant nous avons aussi vu apparaitre des usines-machines capable de produire des dizaines de milliers de meubles similaires à la chaîne, provoquant un raz de marée, un grand balayage culturel et une perte de sens pour les travailleurs.

A nous de choisir ce que nous voulons retenir !

Le Beau

Cette réflexion commence par un postulat. Pour traverser le temps, disons trois générations pour un meuble, un objet doit être utile et beau.

Beau pour ne par être jeté.

Beau en soi.

Le premier acheteur peut être convaincu par un lien personnel avec l’artisan. Le successeur ou l’acheteur de seconde main pourra être touché par le récit du premier acquéreur. Mais à la troisième génération ce lien s’effrite.

Il est donc essentiel que l’objet parle en soi. Que l’on ressente le travail de la main de l’artisan pour avoir un lien émotionnel. Qu’il reflète les idées et les imaginaires de son époque par sa forme, ses symboles, ses textures.

La Matière

Il y a une dizaine d’année j’ai passé plusieurs nuits à me battre en sculptant un bois noueux. Alors que je présentais le résultat, une très belle personne m’a demandé, comment peux-tu te battre contre une matière que tu aimes tant… elle avait raison, c’était une valse.

Alors je danse avec des arbres bien plus vieux que moi, que vous aussi probablement. Ce sont des êtres qui ont vu les guerres, les tempêtes et les printemps fleurir. Je les manipule comme l’ivoire. Je les regarde comme des êtres chers. Je chéris les cicatrices qui ont forgé leurs caractères.

Dans la pratique je m’efforce à concevoir des créations pour qu’elles aient une durée de vie supérieure à celle de l’arbre. La forêt peut ainsi avoir le temps de se régénérer.

Les outils

Parmi toutes mes gouges, la curiosité est celle que j’essaie d’affuter le plus souvent. Je ne suis pas un ayatollah de la tradition ni des nouvelles technologies mais je suis convaincu que la connaissance est l’essence du geste.

Ma pratique est hybride. Je jongle entre robot et rabots. J’écris des algorithmes comme les partitions d’une musique numérique. Mais cette mécanique manque parfois d’humanité. Les outils traditionnels ont cette capacité à figer le geste de l’artisan dans la matière avec une sincérité touchante.

Je cherche aussi à être pragmatique pour que les œuvres gardent leurs utilités. Une table sera plus facile à vivre avec un vernis qu’avec une huile par exemple. De la même manière la colle ou l’acier s’imposent dans certaines situations quand un emboitement traditionnel sera plus pertinent dans d’autres.

 

 

 

 

Ce manifeste reflète mon état d’esprit à un instant précis. Certains points font régulièrement l’objet de débat avec des amis et sont amenés à évoluer.

Les contradictions sont bien humaines. L’essentiel est d’avancer.

De Combret