Lanterne spectrale

Dans une nuit d'errance, sur une crête entre l'éveil et le monde des rêves, surgit un univers. Dans une immensité noire, je marche dans un tunnel à peine plus grand et plus large que moi. Seule une pâle lueur guide mes pas. Les pierres transpirent. La lueur des bougies scintille dans les gouttent ruisselant sur les murs. Au-delà des quelques mètres visibles, l’ombre parait infinie. Ce couloir avec des torches en applique devient peu à peu familier. J'entre dans une pièce de noir et de rouge aux senteurs de genévrier. Des plumes suspendues à des cerceaux d'acier rouillé forment un chandelier. Des lambeaux de tissus blancs et bleu ciel ondulent lentement dans un courant d’air imperceptible. Leurs couleurs délavées comme un glacier sali par la terre…

Malgré son apparence tout droit sorti d’une fiction d’horreur, cette lanterne représente la présence bienveillante d’un vénérable ancien. Elle est la lueur dans une situation où tout parait perdu d’avance. Un pilier stable pour s’appuyer et se relever.   Le dessin de cette lampe a été fait très rapidement, en quelques minutes pendant une insomnie. Plusieurs autres croquis reproduisant l’ambiance de la pièce imaginaire décrite ci-dessus ont été gribouillés au même moment, dont le lustre que j’espère réaliser un jour ou l’autre.

D’abord imaginé sous la forme d’un lampadaire au pied légèrement onduleux, la lanterne s’est imposée comme une évidence par le mouvement qu’elle permet, donnant une forme d’incarnation à un esprit. Ce n’est pas évident de retrouver les inspirations qui m’ont mené à ce dessin. Il y a surement une part de spiritualité japonaise. En tout cas une vision idéalisée que j’en ai. Avec les lanternes en pierre, les Tōrō, et peut-être aussi les papiers et prières suspendus. Pour l’ambiance plus générale de la pièce, je pense qu’on peut relier ça à un passage dans le jeu vidéo The Witcher. Le personnage principal doit rendre visite à trois sorcières vivant dans les marais. Un passage glaçant qui m’a pris au trippes.

Pour la réalisation à l’atelier, je suis parti de deux morceaux de chêne. J’ai des tas de chutes de ce type provenant des productions que je réalise pour mes clients. Je les ai tournés à la main. Le chêne regorge de tanin ce qui m’a permis de le teinter en noir par ébonisation. C’est une réaction chimique avec de la paille de fer, du vinaigre et les tanins. De la même manière j’ai utilisé une solution pour faire rouiller les barres en acier. Les lambeaux ont été découpés dans des chutes de tissus fournis par une amie couturière. Ils ont été teintés avec différents pigments et des solutions pour donner l’effet délavé comme un glacier sali par la terre. Pour les clous, j’ai trouvé une clouterie française, ils sont forgés et bleui. Je les avais en stock depuis quelques temps avec l’intention de les utiliser pour donner une touche médiévale à un projet.

De Combret